Pour Carrie Fisher, notre princesse Leïa, notre inspiratrice (1956-2016)
Tout comme les deux autres spin off à venir ou bien du Réveil de la force et des deux autres films qui suivront, Rogue One va nous permettre de prendre avant tout la mesure de notre fidélité sur la longue durée à un projet sans précédent qui accompagne nos vies, structure notre manière d'envisager une mythologie moderne, invente une symbolique qui déborde de spiritualité, de philosophie, mais aussi de personnages utiles à nos manières de comprendre à la fois qui l’on est mais aussi qui l'on est susceptible de devenir. Les retours en arrière, les histoires parallèles, comme celle de Rogue One, fonctionnent sur la compréhension même des origines. Reste à ne pas néanmoins tout rendre visible ou lisible car Star Wars est un lieu de projection et d'interprétation pour ses publics. Ainsi, le film Rogue One repose-t-il sur les voies narratives d'un monde en devenir et fait le choix de se situer au moment où les choses sont en train de changer, où le monde est en plein questionnement sur la manière dont il peut évoluer vers le bien ou le mal encore mal définis, quand tout est encore incertain et c'est ce qui rend les choses intéressantes car ces films nous montrent comment des personnages de fiction pensent leurs choix en période d'incertitudes. Là est sans doute le miroir le plus fort qui est tendu, notamment à notre jeunesse qui doit elle aussi, plus que jamais, faire ses choix. On ne peut pas ne pas penser à ceux qui s'égarent vers la facilité mortifère de la radicalisation qui leur offre l'illusion d'une destinée qui, en réalité, va leur faire perdre pieds et âmes. En ce sens et à l’image de l’œuvre Star Wars depuis ses origines, Rogue One s’apparente plus à une production de la mondialité car il n’écrase en rien les cultures du monde, mais se marie à elles pour les exalter en un syncrétisme ouvert. Rogue One apparaît dès lors comme un formidable bricolage, inédit dans sa façon d’agencer des récits religieux, mythologies et cultures. On se retrouve là dans une sorte de méta-récit propre à circuler d’un pays à l’autre, la plupart des spectateurs pouvant y projeter une part de leur culture, de leur civilisation, de leurs croyances. On pourrait relire Star Wars avec les lunettes du célèbre analyste des mythes Georges Dumézil et on voit comment Star Wars réactive sa théorie des trois fonctions où souveraineté et religion, guerre et production définissent les équilibres d’une organisation sociale à part entière et le corpus légendaire de tous les peuples indo-européens. Là où certains évoquent une franchise, pur produit de la mondialisation, Star Wars développe depuis ses origines un art beaucoup plus ambitieux pour parler d’universalité et de mondialité.
Tout comme les deux autres spin off à venir ou bien du Réveil de la force et des deux autres films qui suivront, Rogue One va nous permettre de prendre avant tout la mesure de notre fidélité sur la longue durée à un projet sans précédent qui accompagne nos vies, structure notre manière d'envisager une mythologie moderne, invente une symbolique qui déborde de spiritualité, de philosophie, mais aussi de personnages utiles à nos manières de comprendre à la fois qui l’on est mais aussi qui l'on est susceptible de devenir. Les retours en arrière, les histoires parallèles, comme celle de Rogue One, fonctionnent sur la compréhension même des origines. Reste à ne pas néanmoins tout rendre visible ou lisible car Star Wars est un lieu de projection et d'interprétation pour ses publics. Ainsi, le film Rogue One repose-t-il sur les voies narratives d'un monde en devenir et fait le choix de se situer au moment où les choses sont en train de changer, où le monde est en plein questionnement sur la manière dont il peut évoluer vers le bien ou le mal encore mal définis, quand tout est encore incertain et c'est ce qui rend les choses intéressantes car ces films nous montrent comment des personnages de fiction pensent leurs choix en période d'incertitudes. Là est sans doute le miroir le plus fort qui est tendu, notamment à notre jeunesse qui doit elle aussi, plus que jamais, faire ses choix. On ne peut pas ne pas penser à ceux qui s'égarent vers la facilité mortifère de la radicalisation qui leur offre l'illusion d'une destinée qui, en réalité, va leur faire perdre pieds et âmes. En ce sens et à l’image de l’œuvre Star Wars depuis ses origines, Rogue One s’apparente plus à une production de la mondialité car il n’écrase en rien les cultures du monde, mais se marie à elles pour les exalter en un syncrétisme ouvert. Rogue One apparaît dès lors comme un formidable bricolage, inédit dans sa façon d’agencer des récits religieux, mythologies et cultures. On se retrouve là dans une sorte de méta-récit propre à circuler d’un pays à l’autre, la plupart des spectateurs pouvant y projeter une part de leur culture, de leur civilisation, de leurs croyances. On pourrait relire Star Wars avec les lunettes du célèbre analyste des mythes Georges Dumézil et on voit comment Star Wars réactive sa théorie des trois fonctions où souveraineté et religion, guerre et production définissent les équilibres d’une organisation sociale à part entière et le corpus légendaire de tous les peuples indo-européens. Là où certains évoquent une franchise, pur produit de la mondialisation, Star Wars développe depuis ses origines un art beaucoup plus ambitieux pour parler d’universalité et de mondialité.
En
reprenant la franchise Star Wars, Disney et les nouveaux réalisateurs qui
accompagnent l’aventure suivent un chemin tout à fait identique dans leur
volonté de faire circuler utilement les récits d’aujourd’hui. On risque de s’en
apercevoir de manière encore plus flagrante avec Rogue One. Ils possèdent un
savoir-faire similaire et un artisanat dont l’ambition et le projet sont de
parler au plus grand nombre. Rares sont les entreprises culturelles qui
aspirent vraiment à porter cette ambition pour prendre place aux côtés de nos
cultures respectives en s’y ajoutant sans volonté de s’y substituer. Au reste,
on le voit chez les publics passionnés comment ceux-ci parviennent au travers
de l’œuvre à mettre au jour les correspondances entre l’univers Star Wars et leur propre culture ou leur
propre spiritualité. Il
est important de remarquer, au fur et à mesure des chapitres qui viennent
nourrir la saga et particulièrement avec Rogue
One, la constance des auteurs, leur soin à faire que tous, quelque soit
notre ethnie, notre culture, notre horizon, nous nous sentions réellement représentés
par et dans le monde cosmopolite de Star
Wars. La robustesse même du mythe Star
Wars permet désormais manifestement de forger une langue plus universelle,
un babel des significations culturelles modernes. Il semble évident que dans
500 ans, les historiens, sociologues et anthropologues penserons que Star Wars était notre mythe favori et
que, sans doute, nous y avons cru pour de bonnes raisons. C’est pourquoi il est
essentiel de comprendre que, malgré les apparences, la problèmatique de StarWars n’est pas strictement de
représenter les minorités, mais de nous faire comprendre que la vérité, la
force ne sont pas l’apanage de tel ou tel, mais que tous, nous portons une part
possible de cette force. Depuis ses origines, et plus encore aujourd’hui, les
Star Wars Stories ont toujours eu l’ambition de porter la différence et la
complémentarité des minorités qui perdent, de fait, dans ces fictions, le
statut ce que nous désignons couramment et maladroitement par « minorités ».
Il y a toujours eu dans Star Wars une
volonté d’embrasser une multitude sociétale. De même, rares sont les fictions
qui mettent en scène de manière héroïques des personnes âgées comme c’est le
cas d’ObiWan dans l’épisode IV incarné par Alec Guiness, ou Lor San Tekka incarné par Max Von Sydow dans l’épisode
VII Le fait est qu’on accorde de manière très revendiquée une part plus grande
en matière de personnages de premier plan à la fois aux personnages féminins ou
aux personnages autres que les jeunes hommes blancs faussement lisses et
souvent torturés auquel le cinéma américain a toujours donné la part belle.
Avec
John Boyenga et Forest Whitaker deux acteurs afro-américains qui occupent une
place de premier plan respectivement dans le précédent film, The Awakening
et dans Rogue One, la prouesse n’est pas simplement de mettre ces
acteurs en scène, mais de leur offrir un rôle qui fait sauter les
apparences : nous pouvons tous nous projeter en eux au-delà de leur hexis
corporelle, nous nous reconnaissons dans leurs actes et dans leurs récits. Là
est le plus beau défi humaniste de la saga : se reconnaître dans des
autres qui ne nous ressemblent pas par leur apparence physique mais qui nous
inspirent par leur comportement éthique. Le message universel de Star Wars participe à la reconnaissance de tous, à la valeur de la
vie de chacun. La métaphore d’un univers en équilibre omniprésente dans Rogue One est particulièrement
appropriée pour comprendre combien cette thématique se perpétue en message
politique. Le problème au regard de ce message, c’est que ceux qui sont habités
par le racisme et la volonté d’exclure « l’autre » placent rarement Star Wars au cœur du panthéon
cinématographique qu’ils revendiquent. Il en va de même avec la prééminence des
femmes qui sont à deux reprises les uniques héroïnes des derniers films, Rogue
One et The Awakening qui traduit avec une insistance utile la
nécessité qu’il y a à « fabriquer » politiquement une reconnaissance
de la place de tous dans les récits. Et ce parce que Star Wars a compris dans sa matrice profonde que les
représentations sont nécessaires pour changer notre vision du monde. C’est dans
ce sens qu’il conçoit les choses : au moment où l’Amérique a failli avoir
une femme présidente, on comprend l’importance
de la manière dont les récits façonnent l’acceptabilité des acteurs de notre
propre monde. On comprend là d’autant mieux combien nos jugements
esthétiques sont conditionnés par leurs fondements sociaux. Ils sont loin
d’être autonomes et, seul, le cinéma considéré en tant qu’institution permet
d’appréhender le sens de ces jugements quotidiens sur ce qui est beau et sur ce
qui ne l’est pas et surtout combien le cinéma et nos vies n’ont de s’entremêler
pour s’éclairer mutuellement. Avec Rogue One, le cinéma n’a de cesse de
nous rappeler dans sa « force » que le vivre-ensemble ou
l’être-ensemble peut être précédé pour le meilleur d’un
« voir-ensemble ». Léo Calvin Rosten a
écrit «Nous voyons les choses comme nous sommes, pas comme elles sont.» En un
peu plus d’un siècle, le cinéma est devenu sans conteste bien plus qu’une usine
à fabriquer des rêves. Le cinéma façonne nos attitudes, nos comportements, nos
manières d’être, voire d’être ensemble. Les larmes qu’il fait couler de nos
yeux nous préparent aux séparations ou aux disparitions que nous craignons ou
nous font nous remémorer celles que nous avons vécues. Tous nos baisers, eux,
sont aujourd’hui des baisers de cinéma. Nos héros sur pellicule inspirent
souvent nos gestes et nos répliques courageuses ou du moins, ceux qu’il nous
plairait d’avoir. Même nos premiers Disney nous aident à prendre conscience
très tôt de ce sentiment — l’empathie — si essentiel pour nous permettre de
vivre au milieu d’autres qui nous ressemblent souvent parce qu’ils ont vu le
même film que nous. C’est ainsi que nous devons comprendre aussi l’ambition des
créateurs de Star Wars, une
l’œuvre qui nous a préparé, nous publics ,à entrer dans le 21e
siècle et que, comme les plus grandes œuvres du
cinéma, ses personnages et ses récits en images nous aident —ainsi que l’écrit
le philosophe Stanley Cavell — à préserver notre foi dans nos désirs d’un monde
éclairé, face aux compromis que nous passons avec la manière dont le monde
existe.