Les événements relatés ici se sont vraiment déroulés et les personnes décrites ont toutes existé même si quelquefois elles semblent avoir quelque(s) ressemblance(s) avec des personnages imaginaires qui, comme le cinéma, nous aident "à préserver notre foi dans nos désirs d’un monde éclairé, face aux compromis que nous passons avec la manière dont le monde existe..."
18 décembre 2006
Deux critiques à propos de l'ouvrage "SOCIOLOGIE DU CINEMA ET DE SES PUBLICS"
"UN PEU DE SOCIOLOGIE..."
Par Olivier SEGURET
(Article paru dans le Quotidien Libération, mercredi 26 avril 2006)
Soit dit sans aucune moquerie, lorsqu'on tombe sur la couverture d'un livre portant le titre Sociologie du cinéma et de ses publics, c'est un étrange et coupable sentiment d'anachronisme qui, d'abord, nous étreint. Réflexe sans doute idiot mais explicable : lorsqu'il remue encore, le microcosme intellectuel expert en cinéma n'est, ces temps-ci, obsédé que par lui-même et son avenir périlleux, sur lequel pèsent des menaces moins subtiles que la sociologie. Aussi, lorsque quelqu'un vient perturber l'atmosphère avec tout le docte recul que lui confère sa discipline scientifique, un automatisme suspicieux, soyons honnêtes, nous fait froncer le sourcil.
De surcroît, les deux amants ne font plus très bon ménage, depuis quelques lustres maintenant : l'approche du cinéma par la sociologie ou celle de la sociologie par le cinéma ont été mises sous le boisseau de l'affadissement politique général, voire ringardisées, et il n'y a guère plus de débat bien vivant autour de ces problématiques. Cela ne les empêche pas de rester des enjeux fondamentaux, comme le démontre très simplement l'auteur de cet essai, Emmanuel Ethis, récidiviste en la matière puisqu'il a obstinément bûché la question dans divers travaux et ouvrages publiés depuis la fin des années 90.
Celui qu'il vient de faire paraître enfonce le clou dans deux dimensions. D'abord une synthèse de l'histoire des idées apportées au cinéma par la sociologie, et vice versa, avec le bonus d'un cours de rattrapage idéal aux cinéphiles qui auraient buissonné l'Ecole de Francfort et, plus inédit, un rapide inventaire du legs offert sur ce sujet par les cultural studies anglo-saxonnes, souvent négligées sous nos latitudes provinciales. Ensuite, la tentative moins classique de faire le point sur toutes les questions qui touchent à la «réception des oeuvres» par leurs publics et à la très délicate définition du «goût» en matière de films, questions sur lesquelles l'éclairage change aussi vite que les époques, et qui forment donc la part la plus fraîche du livre, voire la plus aventureuse. Les lignes qui tentent de cerner l'étrange rituel que continue de constituer aujourd'hui la «conversation» autour des films, sport presque naturel et pratiqué à tous les étages de la société, donnent une bonne idée du caractère extrêmement fugace et de la définition presque liquide de l'objet réellement convoité par l'auteur : la place symbolique, encore dominante et universelle, que nous avons bien voulu accorder, humains, à l'étrange royaume des ombres électriques.
Il faut prendre ce travail pour ce qu'il est et respecter la modestie manifeste à laquelle il tient : il ne s'agit pas pour l'auteur de rouler tambour en faveur de révélations ni produire des thèses invérifiables, de triturer le paradoxe ou de transformer par quelque moyen sa matière première en prétexte à batifolage poétique. Il reste sévèrement dans les clous de sa discipline, et ses pages gardent en toutes circonstances la clarté bien taillée d'un jardin à la française, dont Emmanuel Ethis aurait élagué au sécateur la moindre complaisance qui éloignerait l'ouvrage de sa mission : pédagogique, didactique et universitaire avant tout.
Cette façon de travailler et de penser n'est sans doute pas une super stratégie de séduction, mais cette austérité constitutive qui nous laissait sceptique au départ fonde, bien entendu, toute la valeur de ce petit livre dont le déphasage n'est que justice. Toute sa force et son air frais sont là : dans sa tour d'ivoire, son écart du monde, son ermitage.
Emmanuel Ethis, Sociologie du cinéma et de ses publics, éditions Armand Colin, 128 pp., 9 euros.
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SOCIOLOGIE DU CINEMA ET DE SES PUBLICS
d’Emmanuel Ethis
Par Christian PAIGNEAU
(Article paru dans la rubrique Médiathèque sur le site "Ojectif cinéma" /
http://www.objectif-cinema.com/article.php3?id_article=3964)
Cinéma Cinéma
Le cinéma, ses rites, ses codes. Le cinéma, sa place, ses enjeux. Le cinéma des cinéphiles mais le cinéma avec ses gros parkings. Le cinéma du samedi soir, le cinéma du reste de la semaine. Bref, le cinéma avec tout ce qu’on oublie de savoir sur lui.
Bouffée d’air frais
Voila un petit livre malin et utile. Une fois n’est pas coutume, cela fait rudement plaisir d’entendre parler cinéma par quelqu’un dont la profession n’est pas liée à la base au domaine cinématographique ou critique. L’auteur, un peu extra terrestre donc, étudie le cinéma à la manière martienne, c’est-à-dire comme une fourmilière qu’il aurait sous ses yeux et nous la donne avoir comme tel. Parlant chiffre sans jamais lassé, sans prétention non plus mais avec pas mal de pertinence.
Sociologie Sociologie
On apprend ainsi une foule de petites choses passionnantes dont on ne va surtout pas ici faire un inventaire complet afin de garder un plaisir futur intact. Quelques exemples toutefois comme lorsque l’on y découvre le très amusant code de bonne conduite spectateur édité à l’âge d’or des ciné palaces ou que l’on apprend qu’Avignon n’est pas que la ville théâtrale que l’on sait mais qu’elle est aussi la ville la plus cinéphilique de France que l’on ne sait pas (Bon. A ce sujet, il faut préciser que l’auteur dirige aussi le département de la communication à l’Université d’Avignon mais on le croit tout de même de bonne foi). Le livre s’intéresse au cinéma comme lieu de vie et s’interroge sur la place physique et sentimentale qu’il a prise dans nos villes. L’essai multiplie et alterne, interrogations et pistes de réflexion. On apprend ainsi le rôle complémentaire des multiplexes qui renvoient presque malgré eux mais généreusement un peu de leur public dans les salles d’art et d’essais. Que 30 à 40% des spectateurs ne savent pas du tout ce qu’ils vont voir, que les genres au cinéma sont là pour nous faire faire l’économie d’une réflexion. Le livre abat quelques clichés, apprend des choses et nous informe surtout sur un domaine où l’on peut facilement se laisser emporter par la croyance de tout connaître déjà.
Un livre à conseiller à tous les publics (cinéphiles ou mangeurs de pop-corn). Un essai qui renferme une succession de petits chapitres qui nous font découvrir tout le plaisir et toute la joie d’être encore, un peu, ignorant en sa, ou ses, chapelle(s) respective(s).