27 avril 2011

CONSEIL DE LA CRÉATION ARTISTIQUE : quelles lignes pour le politique et la culture à venir ?

Après plusieurs mois de travail bénévole et plus d'un an avant les échéances électorales présidentielles de notre pays, le Conseil de la Création Artistique a choisi d'arrêter son activité et de mettre sur la table du politique un bilan visant à réfléchir ce que devrait être les lignes les plus stratégiques pour repenser l'avenir culturel et artistique de la France. Voici les cinq axes principaux et récapitulatifs qui fondent ses principales préconisations (nota : en cliquant sur le titre de cet article, on accède au bilan entier du CCA) :

1. Promouvoir la créativité des jeunes générations
La première édition d’imaginez maintenant a été initiée par le Conseil, à partir d’une commande de Martin Hirsch alors Haut commissaire à la Jeunesse. Du 1er au 4 juillet 2010, nous avons organisé dans neuf villes de France métropolitaines et d’Outre-mer une manifesta-
tion nationale dont l’objectif était de repérer et rendre visible la créativité des jeunes de toutes disciplines et métiers d’art confondus. Mille deux cents jeunes artistes de moins de trente ans ont investi dans chaque ville un lieu de patrimoine pour lui donner vie par la force de leurs imaginaires et de leurs créations. Mille six cents étudiants ont été impliqués dans la conduite du projet dans le cadre de leur cursus pédagogique. Plus de trois cents propositions artistiques ont été présentées au public. Imaginez Maintenant a été l’op- portunité pour 63 % des artistes présents de créer une œuvre entièrement nouvelle. L’adhésion du public et des jeunes artistes à la manifestation est venue conforter l’intuition première d’Imaginez maintenant : la créativité de la jeunesse est multiple, foisonnante et décloisonnée ; elle a besoin d’être soutenue et accom- pagnée par des projets d’envergure qui la rendent visible au plus grand nombre. 94 % des visiteurs ont estimé qu’il fallait rééditer ce type de manifestation pour valoriser les jeunes créateurs. Cent mille visiteurs de tous âges ont assisté à la manifestation.

2. Relier le réel et le virtuel, outil de démocratisation culturelle
Le numérique est l’instrument par excellence de la transversalité: il permet notamment aux artistes de transférer la valeur créative de leurs œuvres sur un support à dimension mondiale et de mettre la culture à la portée de tous. Le numérique doit devenir, pour le monde de la culture, une création à part entière avec son propre langage, pour que les œuvres aillent à la rencontre de tous les publics et surtout de ceux qui aujourd’hui ne fréquentent pas spontanément les institutions culturelles. Les services publics de la télé- vision devront largement y participer.
Le Conseil a élaboré, en partenariat avec la Réunion des Musées Nationaux, à l’occasion de l’exposition Monet au Grand Palais, un site www.monet2010.com: il s’agit d’un programme d’informations de qualité, de visite virtuelle de l’exposition et de plusieurs complé- ments ludiques. Entre septembre 2010 et février 2011, le site, disponible en cinq langues, a reçu plus de 2,5 millions de visites pour une durée moyenne de connexion de 7 à 8 minutes. Il a été récompensé par deux prix (un prix dans la catégorie Sites événemen- tiels et le Prix Spécial) au Grand Prix Stratégie /Amaury Médias 2011 attribués chaque année aux meilleurs dispositifs digitaux.
Le Centre Pompidou mobile est un espace d’exposi- tion nomade du Centre Pompidou, de 1000m2 qui se déplace de région en région pour permettre l’accés aux œuvres originales à tous ceux qui en sont éloignés. Le Centre Pompidou Mobile devrait être inauguré à l’automne 2011 avec une exposition sur le thème de la couleur.
Le Conseil a proposé à l’État et la Ville de Paris, de valoriser pleinement les atouts de la ville et de lui redonner sa place de capitale mondiale de l’art. Paris Ouest Cultures aurait pour centre la Tour Eiffel qui serait reliée aux établissements culturels de premier plan qui l’entourent : la Cité de l’architecture et du patrimoine, universcience, l’établissement public de la Rmn et du Grand Palais, la Mona Bismark Foundation, le musée d’Art moderne de la Ville de Paris, le musée Galliera, le musée Guimet, le musée de l’Homme, le musée national de la Marine, le musée du Quai Branly, le Palais de Tokyo, le Petit Palais (musée des beaux-arts de la Ville de Paris), le Théâtre national de Chaillot, le Théâtre des Champs-Élysées. Il faudrait aussi compter sur l’implantation proche des grandes salles de vente (Christies, Sotheby’s, Artcurial, Drouot Montaigne)...
Une association réunissant l’État, la Ville de Paris et ces diverses institutions devrait être mise en place pour mener à bien des actions communes allant de la création d’un site Internet commun à des événements à vocation internationale plusieurs fois par an.

3. initier les jeunes générations à la culture
Avec le soutien du Ministère de la Ville et de Mécénat Musical Société Générale, le Conseil de la création artistique a initié l’Orchestre des jeunes DEMOS. Il s’agit d’un projet d’éducation musicale et orchestrale rassemblant 450 jeunes âgés de 7 à 12 ans sans pratique musicale antérieure. Il a débuté en janvier 2010 et se développe sur trois ans. Cette expérimentation est encadrée par des musiciens professionnels de l’Orchestre de Paris et de l’Orchestre Symphonique Divertimento, des pédagogues, des animateurs et des éducateurs sociaux. Ce dispositif, unique en France, est basé sur un apprentissage très intensif et encadré de la pratique orchestrale, en direction de jeunes habitants des quartiers populaires de la capitale et proche de Paris, ne disposant pas des ressources économiques, sociales ou culturelles pour pratiquer et découvrir la musique classique dans les institutions existantes. Une démarche innovante a été élaborée, associant une pédagogie collective et un suivi social et éducatif très appuyé, impliquant, outre les musiciens professionnels, de nombreux experts du champ social. Deux concerts ont eu lieu en juillet 2010 à la salle Pleyel à Paris.
Les évaluateurs jugent que la transmission du goût pour l’apprentissage d’un instrument, dans le cadre du projet DEMOS, est une réussite. Le taux de satisfaction des enfants s’élève à 85 % (alors que seulement 15 % d’entre eux ont abandonné). L’envie de continuer d’apprendre est partagée par une très large majorité des enfants. L’adhésion au dispositif de la part des musiciens, des travailleurs sociaux et des collectivités repose sur la complémentarité des compétences - sociales, éducatives et musicales - mises en œuvre dans ce projet. Les évaluateurs signalent également une forte adhésion des trente cinq structures socia- les participantes : l’Orchestre des jeunes DEMOS est considéré comme un véritable outil éducatif permet- tant l’apprentissage de l’assiduité, de la concentration, du respect de l’autre, de la socialisation et de l’écoute. Enfin, les évaluateurs soulignent que le projet favorise le développement de liens sociaux entre les familles et les habitants, les enfants et les équipes éducatives, certains quartiers cloisonnés, et entre les jeunes et les institutions.
Avec l’aide du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, le Conseil a soutenu la création d’une Cinémathèque en ligne pour les étudiants. Il s’agit de former les spectateurs de demain et de préserver la diversité de la production cinématographique. En 2011, s’ouvrira la Cinémathèque de l’Etudiant, plateforme numérique en VOD grâce à laquelle chaque étudiant pourra visionner gratuitement 451 films du
patrimoine mondial du cinéma. Concrètement, au moment de l’inscription en faculté, les 2,2 millions d’étudiants des 85 universités françaises auront un code d’accès à leur espace numérique personnel qui leur permettra de consulter sur leur ordinateur le catalogue de longs-métrages via un travelling sur l’histoire du cinéma. Un comité de sélection a fait des choix, qui vont du muet jusqu’à nos jours, avec un contenu éditorialisé, élaboré par des spécialistes du cinéma. L’offre de films proposera une découverte du patrimoine du cinéma mondial, elle s’adressera à tous les étudiants, aux mathématiciens comme aux philosophes. Les étudiants pourront découvrir les films dans leur contexte historique et artistique. La conception du site de la cinémathèque tient compte d’une étude menée auprès d’étudiants pour s’inscrire dans les habitudes des digital natives, elle sera ludique et participative. Mais elle devra servir également aux professeurs et aux étudiants comme une « aide aux devoirs » et proposer des contenus pédagogiques conséquents.

4. les échanges culturels avec les pays étrangers
La reconnaissance et la diffusion de la culture française à l’étranger font partie intégrante de la transversalité. Afin de favoriser la circulation de notre culture, il s’agit de se mettre à l’écoute des pays étrangers et d’identifier ce qui, dans la création contemporaine française, éveille l’intérêt de leur public pour créer les conditions d’un véritable dialogue.
C’est cette démarche qui a guidé le projet Walls and bridges: une série d’événements à New York autour des sciences humaines et sociales. La programmation a été établie grâce à un travail d’enquête de plus d’un an mené par Guy Walter et son équipe de la Villa Gillet auprès d’intellectuels, de journalistes et d’universitai-res américains. Trois éditions ont été programmées: en janvier, au printemps et à l’automne 2011. La première saison de Walls and Bridges a d’ores et déjà rassemblé 42 personnalités américaines et françaises dans 8 lieux différents de New York (dont la presti- gieuse New York Public Library). 1 500 auditeurs ont déjà assisté à ces débats intellectuels de très haute tenue dont 74 % de citoyens des États-Unis, parmi lesquels 69 % ne fréquentaient jamais ou rarement des événements liés à la culture française. 87 % des participants ont déclaré que les débats étaient intellectuellement stimulants et 79 % très novateurs. Cette manifestation a été très bien relayée par le New York Times et le New Yorker.
Le Conseil de la Création a soutenu le projet de coopération franco-algérienne pour le développement d’échanges artistiques en faveur de la danse porté par abou et nawal lagraa. Ceux-ci ont formé la première compagnie de danse contemporaine algérienne en collaboration avec le Ballet national algérien. Nya, leur première création a été représentée le 18 septembre 2010 à Alger.

5. le financement de la culture
La transversalité concerne aussi les modes de finance- ment entre les secteurs privé et public. Face à la crise économique et la stagnation des moyens financiers de l’État, il faut se préoccuper d’articuler les fonds privés et publics. Les fonds de dotation sont particulièrement adaptés à cet usage. C’est pourquoi le Conseil a mené une étude dans ce domaine concernant son propre fonctionnement.