Renforcer la société de la connaissance, c’est avant tout réfléchir territorialement à comment investir l’ensemble des temps de la vie et l’éducation artistique et culturelle qui est un levier très efficace dans le cadre de ce déploiement.
En France, en Bretagne, à titre d’exemple, nous avons déployé ce que nous appelons les Aires Marines Educatives. Cela consiste à confier à nos enfants la responsabilité d’une partie du littoral de Bretagne, des plages, des roches,… Nous avons pour ambition de faire de toute la Bretagne une Aire Marine Educative. Nous allons également travailler sur les fleuves avec les Aires Fluviales Educatives, et sur les terres avec les Aires Terrestres Educatives. Si je prends ces exemples très précis c’est qu’ils renvoient à une responsabilisation de nos enfants pour leur environnement, un environnement pour lequel ils s’engagent.
Cet engagement mobilise bien au-delà de l’école les institutions culturelles et scientifiques de nos territoires car pour décrocher le label « Aires Marines, Aires Fluviales, Aires Terrestres », nos enfants doivent construire un véritable projet avec des partenaires institutionnels. Chaque projet revêt une dimension scientifique pour comprendre comment fonctionne la mer, la place, l’écosystème, la biodiversité,… Une dimension écologique liée au développement durable pour comprendre comment agir pour son territoire et le protéger sur la longue durée… Une dimension d’éducation artistique et culturelle pour se saisir de son territoire et se le représenter, le représenter pour les autres, en parler, se faire ambassadeur de la mer, des fleuves et de la terre, bref reprendre en main un récit commun. Près de 100 000 petits Bretons ont investi ce label des aires marines et des autres aires… Ce que nous construisons avec ces éducations transverses, ce sont bien des sociétés de la transmission et des communautés d’apprenants d’un nouveau genre.
L’impact de ces expériences est très puissant car elles permettent de construire de nouvelles sociabilités en lien avec les familles, les amis et impliquent de créer aussi des espaces participatifs de qualité entre l’environnement familial, personnel de chaque enfant, et l’environnement éducatif institutionnel, au bénéfice d’une bonne appropriation du parcours éducatif dans son ensemble et ce autour de nos paysages, des paysages qui deviennent ainsi sous nos yeux de véritables espaces participatifs de connaissance. C’est un moyen très utile de renforcer la société de la connaissance car on apprend avec son environnement et pour son environnement. On retrouve là les principes éducatifs chers à John Dewey de l’éducation par l’expérience avec une continuité réelle entre la société et l’éducation dans tous les temps de la vie. Déployant autant des dispositifs d’éducation formelle et non formelle, avec les Aires Marines, « l’école devient ici une forme de vie sociale, une communauté en miniature étroitement liée aux autres modes d’expérience que le groupe vit en dehors de l’école ».
Bien sûr, tout ceci implique une formation mutuelle de l’ensemble des acteurs qui interviennent autour de ce type de projets où l’on croise conformément à la Charte de l’Education Artistique et Culturelle expériences et pratiques, rencontres et connaissances. De tels projets ne peuvent aboutir en effet que sur la base d’un engagement mutuel des différents partenaires : communauté éducative et monde culturel, secteur associatif et société civile, Etat et collectivités territoriales, mais aussi environnement familial et amical. Ceci implique enfin que nous mesurions très précisément les «effets éducatifs » de telles expériences sur la longue durée. C’est pourquoi nous allons suivre grâce à l’équipe de recherche de l’Institut National Supérieur de l’Education Artistique et Culturelle (INSEAC) sur dix ou vingt ans une cohorte entière d’élèves pour mesurer comment l’éducation artistique et culturelle tout au long de la vie renforce non seulement la société des connaissances mais participe, en développant la capacité de chaque enfant d’agir sur son environnement, à instruire aussi le sens qu’il peut ainsi donner à sa citoyenneté. Je vous remercie.