"
Il faut lire ou relire avec attention ces quelques pages des Sept boules de cristal d’Hergé, dans lesquelles le capitaine Haddock tente de transformer l’eau en vin par l’entremise de quelques passes magiques et d’un matériel identique en tous points à celui du magicien qu’il observe tous les soirs sans relâche. Apparemment sans conséquence, cette scène placée au début du récit de cette aventure de Tintin interpelle pourtant le lecteur sur des questions essentielles d’une profondeur philosophique tout aussi efficace en portée que ludique en partage.
Est-ce qu’il suffit d’observer un magicien depuis sa place de spectateur pour comprendre le tour?
Est-ce qu’il suffit de posséder le même matériel que lui pour réussir la passe en pratique ?
Est-ce qu’il suffit d’imiter pour réussir ? Donner même l’illusion de réussir ?
Où se situe le ressort de la connaissance véritable si celle-ci ne vous est pas explicitement transmise dans un cadre propice d’initiation ?
Est-ce que la fréquentation assidue d’un tour suffit à se l’approprier ?
Où se situe la magie si rien ne provoque l’émotion magique ?
L’art, d’ailleurs, est-il réductible à cette émotion aussi immédiate soit-elle ?
Peut-on, au fond, parler véritablement d’une émotion de la magie et de l’illusion ?
Quels sont les préalables qui président à l’étonnement face à un numéro ?
Est-ce qu’au fond, la naïveté du capitaine Haddock ne relève pas d’une croyance véritable en la magie ou du moins, en un pouvoir porté par ce geste ?
La magie en définitive ne serait-elle pas autre chose qu'un concours de circonstances poétiques que l'on est incapable de voir ?