« Devant le monde qui s’incline, certainement appuyés sur des bancs, il y aura quelques hommes qui se souviennent, et des nuages pris aux antennes, je t’offrirai de fleurs, et des nappes en couleurs, Pour ne pas qu’Octobre nous prenne »
Outre qu’il faudra se demander quelle est cette tranche de 7% de Français légèrement sadomasochistes qui, à la fois, ont une mauvaise opinion d’Alain Delon et le trouve néanmoins séduisant, ce sondage, effectué une semaine après les déclarations politiques du comédien, montre surtout comment lorsqu’on a atteint le statut de star effective, il n’est plus guère utile de justifier ses gestes ou ses propos car c’est bien le public qui le fait à votre place en tolérant toutes vos extravagances, des extravagances commises en ses lieu et place, d’où le sens même des ces absolutions consenties quels que soient les excès de celle ou celui qu’il encense ou qu’il a encensé. On espère toujours que la vieille Brigitte Bardot tout aussi acariâtre, misanthrope et extrême-droitisée que le vieil Alain Delon possède toujours une part de la magnifique et jeune Bardot, symbole de tous les espoirs de la France des Trente Glorieuses. C’est d’ailleurs la photo de cette Bardot-là qui s’affiche elle aussi en ce mois d’octobre 2013 - étrange circonstance - sur les panneaux publicitaires de la Capitale. Star ultime elle aussi autant qu’extrême…
Drôle de mois d’octobre 2013. Sur France 2, Fabrice Luchini use lui à son tour d’une prise de parole politique pour expliquer non pas qu’il est de droite mais, plus subtilement, histoire de se mettre ses publics dans la poche, qu’il adorerait «être de gauche. Mais je trouve que c’est tellement élevé comme vertu que j’y ai renoncé. (…) Il faut être exceptionnel quand on est de gauche. Quand tu n’es pas de gauche, tu peux être moyen. Quand tu es de gauche, le génie moral, le génie de l’entraide, c’est trop de boulot». Fabrice Luchini a besoin de plus de ressources rhétoriques que Delon ou Bardot qui ne s’embarrassent de rien. Il a parfaitement conscience que, même s’il a prêté ses traits à nombre de personnages forts, il est passé à côté du statut de star. Les personnages de Luchini, s’ils avait été incarnés par Michel Blanc, auraient sans doute conféré à ce dernier un tel statut. Car le statut de star est aussi une histoire de projection possible du public sur une surface lisse, une surface sur laquelle il peut « caler » sa propre aventure, ses doutes, ses fantasmes, ses désirs. Lorsqu’une star est portée au pinacle, c’est avant une part glorieuse ou maudite de nous-mêmes qui est portée au pinacle. Difficile de la brûler trop vite car c’est nous-mêmes qui porterions les stigmates de cette irritation. C’est là l’une des lignes sur lesquelles s’élabore le partage entre ceux qui sont des stars et ceux qui n’en sont pas. Ceux que nous brûlons sans risque et ceux à qui l’on accorde toutes les amnisties. Nous aimerions tant que les stars que nous aimons aient les mêmes opinions politiques que nous. Mieux, nous aimerions qu’elles les taisent pour que nous puissions faire évoluer nos opinions en parallèle avec elles. Au moins le croire. Lorsqu’elles expriment leurs opinions, on fait avec, on leur trouve des circonstances atténuantes, on les ramène à leur registre artistique, leur sésame cardinal. Au demeurant, ce sésame ne marche jamais pour ceux qui ne bénéficient pas du statut de star. Christian Clavier, Faudel, Enrico Macias s’en souviennent encore. Ont-ils retenu la cinglante leçon ? Gérard Depardieu, lui, n’a rien appris du tout. Il n’en a pas besoin. Il vient d’achever la construction d’une cave en Belgique et vient de décider d’y ouvrir un bar à vins. Tout le monde le trouve sympa au village. Julien Doré, ex-nouvelle star, lui rend lui aussi son hommage dans une chanson intitulée Platini : «j’ai bu une Vedett* avec Depardieu, au tribunal de Liège». Décidément le mois d’octobre 2013 est très hype, très stylé, très propice à la « starilité ».
(* Vedett est le nom d’une bière belge)