Jean-Claude s’occupe de la culture dans une petite commune située à cinquante kilomètres d’Avignon. Figure emblématique de son village, il a, selon ses amis, comme ses détracteurs, une théorie sur tout. C’est ainsi qu’ il préfère dire qu’il gère les « affaires culturelles » que la « culture » car selon lui, «la culture, c’est toujours une question d’affaires ici, les élus, ils croient tous que si t’as une bonne animation culturelle, tu gagnes les élections, et bien pas du tout, il vaut mieux avoir une mauvaise programmation dans ton théâtre, comme ça tu vires le directeur du théâtre et là seulement, tu gagnes les municipales, tu comprends». Les théories de Jean-Claude font toujours un peu sourire jusqu’au moment où il les assortit d’exemples : «regarde Cavaillon depuis 20 ans,…, depuis 20 ans Cavaillon tient comme ça…».
Chaque année, le festival est une magnifique occasion pour Jean-Claude de retrouver ses collègues des collectivités territoriales dans l’un des nombreux cocktails qui jalonnent la manifestation avignonnaise. «Jean-Claude en tant de festival ? C’est une sorte d’almanach Vermot des politiques culturelles dans lequel Elisabeth Tessier aurait écrit les notes en bas de pages – déclare un de ses « proches » - ; ceux qui ne l’aiment pas disent de lui qu’il se complaît dans la pagnolade bas de gamme sans distance ni légèreté et ceux qui l’aiment voient en lui une sorte de Tartarin de Tarscon doublé d’un oracle en politique loca-localiste, mais la vérité, c’est que c’est un joueur, un vrai : plus il peut à faire croire à des absurdités rendues cohérentes par ses théories, plus il jubile. L’année dernière il tentait d’installer la théorie selon laquelle Hervé Vilard serait en réalité le fils caché de Jean, déplorant du même coup ces générations indignes de transmettre la vraie culture…»
Jean-Claude oscille tantôt vers le «plus c’est énorme et plus ça passe », tantôt vers le « puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs». Sur les publics du Festival d’Avignon et leurs humeurs ? Il a bien entendu une théorie, c’est d’ailleurs - dixit l’intéressé - la plus simple de ses théories, «car franchement les journalistes ils vont chercher trop loin dans l’esthétique des textes, des images et toutes ces conneries-là,… franchement, les publics, ils sont contents quand ils ont envie d’être contents, quand ils sentent que c’est plus rentable de faire front contre le festival, ils le font, quand ils pensent qu’il faut passifier les choses, ils le font, c’est tout… Ils veulent juste être du bon côté du manche en faisant cohésion car y’a un truc dont ils ont horreur, c’est qu’on leur disent qu’ils ont rien compris au spectacle. Ils comprennent tout ce qu’ils ont envie de comprendre au moment et là où ils ont envie de le comprendre. Le festival, ils veulent que ce soit eux et ils feront toujours tout pour ça, c’est tout ». Simplistes, démagos, géniales, ringardes, progressistes, réac, opaques, transparentes, les théories de Jean-Claude aimantent les adjectifs les plus contradictoires qui soient pour être défendues ou descendues… C’est un fait, mais sur ce fait aussi Jean-Claude a une théorie.