08 septembre 2021

La lecture, une grande cause nationale








Imaginez une école, un collège, un lycée, une université où, une fois par semaine au moins, tout le monde s’arrête, au même instant, sort de son sac un livre qu’il ou elle aime, et se plonge durant quinze minutes dans une lecture silencieuse. Ensemble, chacun son livre. Cette magnifique expérience de la lecture plaisir se généralise depuis trois ans, en Bretagne et ailleurs, et contribue comme jamais à nous réinventer comme un peuple de lecteurs. Façonner un temps pour lire ensemble, se resynchroniser dans ce moment de lecture silencieuse, découvrir le livre de son professeur et de tous les adultes de son établissement, cela se prolonge souvent par des discussions denses et profondes sur ce qu’on aime lire et ce qu’on aurait envie de partager ou de faire partager. Parfois, c’est l’envie d’aller à la rencontre de l’auteur du livre, une opportunité qui peut devenir projet si l’auteur est vivant et qu’il accepte de venir nous parler. L’envie crée l’envie lorsqu’au détour du livre on décide de découvrir un autre livre du même auteur, puis son œuvre, puis la place de cette œuvre dans l’histoire de la littérature. Lorsque le livre qu’on aime est adapté au cinéma ou dans une série, alors on prend goût à confronter le film au texte. On se forge un esprit critique. La pratique, la rencontre, les connaissances forment les trois piliers de ce que l’on nomme éducation artistique et culturelle (EAC).

Au mois de juin, la lecture a été déclarée « grande cause nationale » par le Président de la République. Cela signifie une volonté forte de mettre la lecture au cœur de la vie des Français et porter, évidemment, une attention particulière en direction des plus jeunes et de ceux qui en sont éloignés. Mais cette grande cause nationale doit aussi nous conduire à poser de nouveau – ensemble – une question fondamentale : «qu’est-ce que lire ?» Lire, bien évidemment, c’est d’abord « savoir lire ». Mais lire c’est aussi tenter de comprendre le sens du plaisir que l’on peut trouver dans l’acte de lire. Et ne nous y trompons pas, le plaisir de lire ne découle pas mécaniquement du savoir lire. Comme le résume si bien Erik Orsenna : «lire ressemble à regarder l’horizon. D’abord on ne voit qu’une ligne noire. Puis on imagine des mondes». Chaque mot est pesé. Regarder l’horizon puis imaginer des mondes. Des mondes qui, à leur tour, deviendront des horizons à condition de comprendre combien la lecture est une activité à la fois individuelle et sociale. Elle devient sociale lorsqu’on échange, que l’on parle, que l’on défend un livre, un texte, une phrase que l’on aime et que l’on parvient à comprendre pourquoi ceux-ci font écho en nous, nous aident à nous comprendre nous-même et le monde qui est le nôtre. Et c’est bien là le sens d’une éducation artistique et culturelle qui est avant tout une éducation poétique, c’est-à-dire une éducation où l’on apprend à connaître, pratiquer et aimer dans un même mouvement. 
 
Les chemins qui nous conduisent à aimer la lecture ou à transmettre le goût de lire sont multiples et souvent délicats. Il faut observer ces chemins avec attention et respect, même lorsqu’ils sont plus tortueux que prévu. C’est aussi cela l’objectif de l’EAC, de ce défi majeur qui doit permettre à tous de comprendre notre monde dans tout ce qu’il possède de richesse créative afin d’entretenir l’un de nos biens les plus précieux pour continuer à développer notre pouvoir d’apprendre : l’imagination.