"Un amour impossible qui devient possible, c'est tout un monde qui s'écroule" (François Brunet)
Qui ne se sent naturellement et personnellement
concerné par la «vérité» de l’amour de celle ou de celui qu'il ou qu'elle aime ?
Sans doute la vérité de l’amour se trouve-t-elle, d’ailleurs, dans la manière
même dont nous la questionnons, déterminés que nous sommes à être sourds à ce qui
n’a jamais été mieux exprimé que dans le texte d’Aragon, « Il n’y a pas
d’amour heureux », lorsque celui-ci met côte à côte les mots :
« mon bel amour, ma déchirure » :
nous ne sommes et nous ne serons jamais « l’autre », celle ou celui,
que nous aimons, et c’est dans ce sentiment d’irrésolu que se fondent les plus
belles histoires d’amour. Les réponses ne sont pas du registre de l’amour qui
installe plutôt ses logiques dans le sentiment de mise en accord de nous-mêmes
avec le monde. Cette mise en accord emprunte, elle, tous les chemins qu’elle
trouve, même ceux des petites superstitions quotidiennes que nous réinventons
chaque matin comme autant de rituels de preuves pour l’amour ou pour ce que
nous ne pouvons résoudre dans l’immédiateté: « est-ce que Michèle m’aime vraiment ? » se demande-t-on
intérieurement ; " je ne sais pas
encore très bien, mais si la boulangère me regarde dans les yeux en me
rendant la monnaie du pain, alors Michèle m’aime vraiment". Ces
petites formes de rituels de preuves rapprochent ainsi ces milliers de faits
infimes du quotidien que nous relions entre eux dans l’arbitraire de
significations magiques. Et, si tant est que la liaison soit mauvaise,
c’est-à-dire que « la boulangère ne
nous regarde pas en rendant la monnaie du pain », nous retrouvons
aussi vite une nouvelle situation où éprouver « l’amour de Michèle », et ce, indéfiniment, jusqu’à ce que cela
fonctionne (impénitents, une liaison qui fonctionne ne nous satisfera
d’ailleurs jamais tout à fait, et l’on se surprendra très vite à tester à son
tour cette liaison).
Amour de Michael Haneke (2012) |