Entrer à l’université, c’est tenter de se faire reconnaître avec l’enveloppe sociale que nous pressentons pouvoir endosser pour notre future vie d’adulte, c’est commencer à prendre goût à ce sentiment d’exister qui implique que nous en finissions avec toutes les réminiscences de notre enfance et peu importe que ces dernières nous laissent un bon ou un mauvais souvenir, c’est apprendre à dire adieu aux amis avec qui nous avons grandi, à ceux à qui nous avions pourtant juré que nous ne les quitterions jamais. Une déchirure. La première de toutes ces épreuves qui vont s’enchaîner et dont nous devinons qu’il va désormais falloir les affronter vraiment seul. Nous rangeons "une bonne fois pour toute", parfois le cœur serré, tous ces jouets qui nous ont si bien accompagné dans nos moments de solitude. Et c’est en les mettant hors de notre vue que nous touchons à l’incontournable nécessité de nous mettre du même coup, nous aussi, hors de leur portée. Force est de constater que ces jouets sont les derniers à connaître toutes nos fantaisies d’enfance lorsque, sans pudeur, nous leur parlions de tout en feignant d’ignorer que c’est d’abord à nous-mêmes que nous étions en train de parler.
[extrait de l'ouvrage Films de campus par Emmanuel Ethis et Damien Malinas à paraître en 2012 chez Armand Colin]