"The doctor told the sick witch she wasn't getting enough exorcise" (Jacques Tourneur)
Il arrive quelquefois, qu’au détour d’une conversation, quelqu’un vous demande pourquoi vous avez choisi un jour de faire de la sociologie un métier. Le mot "métier" est embarassant car il sous-entend nécessairement un travail qui comprendrait des phases actives où l’on est embarqué pleinement dans l’activité sociologique et des phases de vacances où cette activité serait comme suspendue. Pour ma part, je n’ai jamais la sensation d’être « sociologue à plein » tout comme, inversement, mes moments les plus intimes et les plus personnels sont toujours trempés – je le sens bien – de mon mode de raisonnement sociologique. Le Détective - ex-policier - de la série télévisée Monk, tourmenté par des troubles obsessionnels compulsifs qui lui rendent le monde plus lisibles dans ses plus infimes travers et l’aident, de fait, à démasquer les criminels les plus habiles, décrit sa sensibilité à la fois comme "un don et comme une malédiction".
Un don et une malédiction sont bien, à mon sens, les deux composantes principales qui animent la vocation et la profession de tout scientifique – sociologue compris -. Le reste n’est qu’une question de passion pour son objet. Pour ma part, en tant que sociologue de cinéma et de ses publics, je dirais que mon objet se situe très précisément dans ce qui façonne le caractère d’autrui ; j’entends par «caractère» ce que j’ai très vite appris à respecter chez mes amis, comme ceux qui se considèrent comme des ennemis, et qui est remarquablement résumé dans une petite formule du réalisateur Jacques Tourneur :«We all bear heavy chains during our life. Within our very blood essence are physical weaknesses of hundreds, thousands of ancestors, theirs diseases, moral taints, cupidity, ignorance, vices, intolerance. Qualities do not come through blood lines as easily as defects. Carrying the load we do, the slightest trace of strengh of character is to be respected » ("Nous traînons tous de lourdes chaînes tout au long de notre vie. Le sang qui coule dans nos veines véhicule les faiblesses physiques de centaines, voire de milliers d'ancêtres, ainsi que leurs maladies et leurs tares morales : la cupidité, l'ignorance, les vices, l'intolérance. Les qualités ne se transmettent pas aussi facilement que les défauts. Au regard de ce lourd fardeau, nous nous devons de respecter la moindre parcelle de force de caractère, fût-elle infime").