Lorsqu'il arrive que vous soyez tristes à mourir, vous avez trois moyens d'échapper à la douleur qui serre le coeur et la gorge : 1° Vous saouler : le vin demeure le plus ancien et de loin le meilleur des psychotropes; 2° Prendre du Lexomil, de L'Equanil, du Tranxène, etc. Cela ne donne pas la cirrhose, mais est moins efficace que le vin; 3° Ecouter du Mozart ou Michael Jackson, même (voire surtout) si c'est en sol mineur amer ou si ce sont les derniers concertos de piano pour Mozart ou Ben pour Jackson. Ce n'est pas les "sentiments" qui "exprime" la musique qui soulagent, mais la forme, la grâce, quand même les sentiments exprimés seraient désespérés. La musique agit sur les "nerfs" autant qu'elle est expression. Dans la Nausée, Sartre a écrit trois sottises en quatre lignes : "Ma tante me disait : Chopin m'a été d'un grand secours à la mort de ton oncle. Quelle erreur ! La musique se fout bien de nous, elle est éternelle et indifférente à la beauté". Cela fait trois sottises : Chopin n'est pas un sentimental de la tristesse, mais un Bach sans le contrepoint. Ensuite la musique ne "console" pas en élevant au dessus du temporel, mais en agissant sur les nerfs. Enfin, cette action vient de sa forme (Beethoven, trop heurté, ne soulage pas, même dans la 7e symphonie). Cette couche physiologique n'est pas le seul aspect, mais n'en existe pas moins (il en est de même du "cadre de vie", cafardeux ou apaisant, dans l'art de l'architecte).
(Extraits d'une conversation avec Paul Veyne / imerec)