Aux Gizmo, Kiki, Nono, Bouboule, Pépette et Zézette de tout poil
"C'est c'la oui..." Le Père Noël est une ordure ! C'est certain et les Bronzés font du ski, nul ne l'ignore, surtout pas Brice de Nice ou Rabbi Jacob. Tous ces films français sont emblématiques de notre art national de la réplique. Les succès populaires du cinéma français se construisent, surtout en ce qui concernent les comédies, grâce à ces dialogues marquants qui vont imprimer immédiatement la conscience des spectateurs et les transformer en "public" au plus pur sens du mot. "Eboueur ? Et pourquoi pas ramasser les poubelles pendant que vous y êtes !" En effet, le bon mot permet aux spectateurs de se reconnaître entre eux car il instruit un espace communautaire qui exclue tous ceux qui n'ont pas vu le film dont il est tiré et, corollaire oblige, instaure une complicité immédiate entre tous ceux qui l'ont vu. "Je n'aime pas dire du mal des gens, mais effectivement elle est gentille." Mais le bon mot, parce qu'il est attaché au film dont il est issu, devient très vite et très souvent un marqueur générationnel évident car il a du mal à s'installer sur la longue durée. Seul problème avec les bons mots qui ont bien marché : ils nous collent à la peau et n'ont de cesse de nous faire prendre le risque d'être ringardisé ou gentillement rattaché à l'image de celle ou celui qui tente le coup de la connivence avec autrui à l'aide d'ustensiles un peu usés. Le bon mot ringard fait de nous des Garcimore en puissance, susceptibles d'engendrer chez l'autre cette petite gêne compassée et l'on se rend bien compte d'ailleurs qu'il nous observe comme si l'on avait un écriteau clignotant sur le front sur lequel serait inscrit "dernières soldes d'il y a trois ans". "Thérèse n'est pas laide... elle n'a pas un physique facile, c'est tout."
Que faire ? Renoncer à cette part d'identité qui nous a apporté tant de bonheur ? Imaginez que celui qui nous dénigre sur un bon mot est un sale petit snob qui ne connaît rien à la vie ? Inventez une catégorie sociale type "on est des geeks" en espérant qu'à plusieurs, lorsqu'on sera très nombreux, on fera passer notre culture défraichie pour de la culture dominante et "hyper branchée" ? "C'est là que je me rends compte que je vous ai bien moins réussie que le porc." Et bien non, il n'y a rien à faire. Les films de notre vie nous marquent pour la vie avec leurs répliques : on en a bien profité, il nous ont enrichi le vocabulaire et se sont substitués le temps d'une génération ou d'un été à notre propre inventivité en termes de dialogues nous renvoyant par là même à notre besoin de parler la même langue. Notre langue se réinvente sans cesse et se partage. Quelle banalité énervante et douce que de se dire cela en pensant qu'un jour ou l'autre nous aussi on participera forcément à l'insu de notre plein gré à "notre" dîner de cons et qu'on est tous des Gremlins potentiels qui dérapont quand on leur donnera de l'eau après minuit. "Hey ! Mais il m'écrase la pomme des dents !"
Enfoirés va !...
Les événements relatés ici se sont vraiment déroulés et les personnes décrites ont toutes existé même si quelquefois elles semblent avoir quelque(s) ressemblance(s) avec des personnages imaginaires qui, comme le cinéma, nous aident "à préserver notre foi dans nos désirs d’un monde éclairé, face aux compromis que nous passons avec la manière dont le monde existe..."