Icône de l’âge d’or du cinéma hollywoodien à la vie tumultueuse, l’actrice Elizabeth Taylor est décédée mercredi 23 mars à l’âge de 79 ans. Une disparition qui raisonne comme la fin d’une génération de stars... Sa vie a longtemps défrayé la chronique, ses yeux d’améthyste ont ensorcelé les hommes et servi de référence aux femmes de toute une époque.Son nom était aussi fameux en son temps, des années 1950 à 1970, que celui de Brigitte Bardot ou Sophia Loren... Elizabeth Taylor, l’enfant star devenue l’actrice aux deux Oscar s’est éteinte, dans la nuit de mardi à mercredi 23 mars 2011, à Los Angeles. Elle avait 79 ans. Monstre sacré tombé dans le chaudron d’Hollywood dès l’âge de 10 ans, comédienne à la filmographie époustouflante - plus de 60 films dont Géant, La Chatte sur un toit brûlant, Cléopâtre, Reflets dans un œil d’or, Qui a peur de Virginia Woolf ? -, Elisabeth Taylor s’était imposée comme l’incarnation de la star hollywoodienne, à la fois extravagante, fantastique, capricieuse, glorieuse et amoureuse. Une femme libre, croqueuse d’hommes - huit mariages dont deux avec le même homme, Richard Burton -, glamour, people. Sans oublier ses dépendances à l’alcool et aux antidépresseurs dans les années 1970, puis ses multiples cures d’amaigrissement, et son engagement à partir de 1985 dans la lutte contre le SIDA. Star mondiale adulée du public, diva éblouissante et fascinante, actrice légendaire et engagée, Elizabeth Taylor a marqué le cinéma et l’imaginaire collectif. Avec sa disparition, c’est toute une page de l’histoire d’Hollywood, celles des monstres sacrés, qui semble se tourner...
Retrouvez le débat de l'émission du 25 mars 2011 de C' dans l'air, présentée par Yves Calvi, avec Henry-Jean Servat, Journaliste et écrivain, Colombe Pringle, Directrice de la rédaction de l’hebdomadaire Point de vue, Janie Samet, journaliste de mode et Emmanuel Ethis, sociologue du cinéma en cliquant ici
Les événements relatés ici se sont vraiment déroulés et les personnes décrites ont toutes existé même si quelquefois elles semblent avoir quelque(s) ressemblance(s) avec des personnages imaginaires qui, comme le cinéma, nous aident "à préserver notre foi dans nos désirs d’un monde éclairé, face aux compromis que nous passons avec la manière dont le monde existe..."
26 mars 2011
13 mars 2011
L'OPINION PUBLIQUE N'EXISTE TOUJOURS PAS ! Petits retours sur les sondages d'opinion, les sociologues et les statistiques...
La France a souvent du mal avec les statistiques. Il est devenu commode pour se débarrasser du spectre sociologique dont elles sont la trace de prétendre qu’on peut leur faire «dire n’importe quoi». Au final, nous ne pouvons observer que des réactions émotionnelles face aux constats auxquels les statistiques nous conduisent plutôt que de commencer ce qui serait plus important une analyse concrète et sociologiquement inspirée de ce qu’elles expriment. Ceci est autant valable pour les chiffres de fréquentation du cinéma où l’on n’a de cesse de s’étonner du succès du cinéma en temps de crise que pour les prévisions qui place Marine Le Pen et le Front National en progression dans l’opinion. Certains vont commanditer un autre sondage en priant que la pièce ne retombe pas indéfiniment du même côté, d’autres, commentateurs zélés comme Eric Zemmour, préfèrent renvoyer les instituts de sondage à la niche et fustiger les sociologues comme bon nombre d’hommes de droite. Il conviendrait pour d’inviter Monsieur Zemmour, tout comme nombre de journalistes politiques et responsables d’institut de sondage à relire l’un des plus beaux textes du sociologue Pierre Bourdieu intitulé «l’opinion publique n’existe pas !», un texte que tout bon maître de conférences ou professeur d’université donne à étudier à ses étudiants dès la première année d’université. Il s’agit d’un exposé fait à Noroit (Arras) en janvier 1972 et paru dans Les temps modernes, [318, janvier 1973, pp. 1292-1309], puis repris dans l’ouvrage Questions de sociologie [Paris, Les Éditions de Minuit, 1984, pp. 222-235].
En voici quelques extraits tout à fait dignes d’enrichir et d’éclairer sereinement les débats de ce joli mois de mars 2011 : «Je voudrais préciser d'abord que mon propos n'est pas de dénoncer de façon mécanique et facile les sondages d'opinion, mais de procéder à une analyse rigoureuse de leur fonctionnement et de leurs fonctions. Ce qui suppose que l'on mette en question les trois postulats qu'ils engagent implicitement. Toute enquête d'opinion suppose que tout le monde peut avoir une opinion ; ou, autrement dit, que la production d'une opinion est à la portée de tous. Quitte à heurter un sentiment naïvement démocratique, je contesterai ce premier postulat. Deuxième postulat : on suppose que toutes les opinions se valent. Je pense que l'on peut démontrer qu'il n'en est rien et que le fait de cumuler des opinions qui n'ont pas du tout la même force réelle conduit à produire des artefacts dépourvus de sens. Troisième postulat implicite : dans le simple fait de poser la même question à tout le monde se trouve impliquée l'hypothèse qu'il y a un consensus sur les problèmes, autrement dit qu'il y a un accord sur les questions qui méritent d'être posées. Ces trois postulats impliquent, me semble-t-il, toute une série de distorsions qui s'observent lors même que toutes les conditions de la rigueur méthodologique sont remplies dans la recollection et l'analyse des données. On fait très souvent aux sondages d'opinion des reproches techniques. Par exemple, on met en question la représentativité des échantillons. Je pense que dans l'état actuel des moyens utilisés par les offices de production de sondages, l'objection n'est guère fondée. On leur reproche aussi de poser des questions biaisées ou plutôt de biaiser les questions dans leur formulation : cela est déjà plus vrai et il arrive souvent que l'on induise la réponse à travers la façon de poser la question. Ainsi, par exemple, transgressant le précepte élémentaire de la construction d'un questionnaire qui exige qu'on « laisse leurs chances » à toutes les réponses possibles, on omet fréquemment dans les questions ou dans les réponses proposées une des options possibles, ou encore on propose plusieurs fois la même option sous des formulations différentes. Il y a toutes sortes de biais de ce type et il serait intéressant de s'interroger sur les conditions sociales d'apparition de ces biais. La plupart du temps ils tiennent aux conditions dans lesquelles travaillent les gens qui produisent les questionnaires. Mais ils tiennent surtout au fait que les problématiques que fabriquent les instituts de sondages d'opinion sont subordonnées à une demande d'un type particulier. […] Les problématiques qui sont proposées par les sondages d'opinion sont subordonnées à des intérêts politiques, et cela commande très fortement à la fois la signification des réponses et la signification qui est donnée à la publication des résultats. Le sondage d'opinion est, dans l'état actuel, un instrument d'action politique ; sa fonction la plus importante consiste peut-être à imposer l'illusion qu'il existe une opinion publique comme sommation purement additive d'opinions individuelles ; à imposer l'idée qu'il existe quelque chose qui serait comme la moyenne des opinions ou l'opinion moyenne. L'« opinion publique » qui est manifestée dans les premières pages de journaux sous la forme de pourcentages (60 % des Français sont favorables à...), cette opinion publique est un artefact pur et simple dont la fonction est de dissimuler que l'état de l'opinion à un moment donné du temps est un système de forces, de tensions et qu’il n’est rien de plus inadéquat pour représenter l'état de l'opinion qu'un pourcentage.
On sait que tout exercice de la force s'accompagne d'un discours visant à légitimer la force de celui qui l'exerce ; on peut même dire que le propre de tout rapport de force, c'est de n'avoir toute sa force que dans la mesure où il se dissimule comme tel. Bref, pour parler simplement, l'homme politique est celui qui dit : « Dieu est avec nous ». L'équivalent de « Dieu est avec nous », c'est aujourd'hui « l'opinion publique est avec nous ». Tel est l'effet fondamental de l'enquête d'opinion : "constituer l'idée qu'il existe une opinion publique unanime, donc légitimer une politique et renforcer les rapports de force qui la fondent ou la rendent possible. […] Bref, j'ai bien voulu dire que l'opinion publique n'existe pas, sous la forme en tout cas que lui prêtent ceux qui ont intérêt à affirmer son existence. J'ai dit qu'il y avait d'une part des opinions constituées, mobilisées, des groupes de pression mobilisés autour d'un système d'intérêts explicitement formulés ; et d'autre part, des dispositions qui, par définition, ne sont pas opinion si l'on entend par là, comme je l'ai fait tout au long de cette analyse, quelque chose qui peut se formuler en discours avec une certaine prétention à la cohérence. Cette définition de l'opinion n'est pas mon opinion sur l'opinion. C'est simplement l'explicitation de la définition que mettent en œuvre les sondages d'opinion en demandant aux gens de prendre position sur des opinions formulées et en produisant, par simple agrégation statistique d'opinions ainsi produites, cet artefact qu'est l'opinion publique. Je dis simplement que l'opinion publique dans l'acception implicitement admise par ceux qui font des sondages d'opinion ou ceux qui en utilisent les résultats, je dis simplement que cette opinion-là n'existe pas ".
L'ANTI-TOUT, un sociogramme de spectateur d'Avignon par Paul Veyne
Il porte un nom protestant, quelque chose comme Espérendieu, et il ne va jamais au festival, bien qu'il habite un village du Gard, à trente kilomètres d'Avignon. Il a vu seulement l'exposition Rodin, non sans déplorer la puérilité des photos de Fernand Michaud. "Un festival", dit-il, "est fait pour augmenter la quantité de plaisir de l'existence et la plaisir est un pêché, mais ce n'est pas pour cela que je n'y vais pas : je suis un mauvais protestant". Il est porté à l'auto-dénigrement."Il y a trop de spectacles off qui ne sont que des mauvais numéros de cabaret. Il y a trop de tout. C'est comme les deux cents romans qui paraissent à chaque automne ; la vie culturelle pollue la culture". Et puis, il avoue : "Je n'ai pas le sens et donc pas le goût du théâtre. De même, enfant, au lycée, après la libération, je me forçais à écouter du Bach et je méprisais mes camarades qui se passionnaient pour le jazz ; en réalité, leur goût était peut-être mauvais, mais ils avaient le sens de la musique, que je n'ai pas". "Et puis, tout le monde va au festival, c'est un must, un conformisme. Or les majorités ont toujours tort et on n'a raison que contre elles. Je travaille au CNRS et, si une poignée d'hommes cherche la vérité, c'est donc que ces autres ne l'ont pas".
"Au milieu de cette foule, j'ai des crises d'agoraphobie ; il y a six ans, aux carrières des Taillades, il m'a fallu quitter précipitamment, La Tempête de Shakespeare : j'étouffais parmi tant d'humains. Oui, je vais au concert, j'écoute Brendel jouer Beethoven à Montpellier ; mai la musique de chambre, c'est comme une religion. Et le public n'y est pas dépenaillé". La célèbre convivialité des Festivals n'est qu'une douce violence. "Tous ces festivaliers en tenue de festivals qui affichent une mine de fête... Comment peut-on avoir le coeur en fête à jours, semaines, et heures fixes ? Ils sont insincères comme la liturgie catholique". "Et ces centaines de spectacles dont deux ou trois auront du succès... Chrétiennement et politiquement, cela me serre le coeur : les comédiens vont se retrouver au chômage. Mais un pharisien en moi les plaint parce que la vie de bohème me fait peur ; par conséquent, je la blâme. Je ne suis qu'un bourgeois, je devrais m'appeler Profitendieu. Le métier de comédien me semble immoral comme au temps de Molière".
(Ce sociogramme, mini-portrait de spectateur du Festival d'Avignon, signé par l'historien Paul Veyne est extrait de l'ouvrage Avignon, le public réinventé par Emmanuel Ethis)
"Au milieu de cette foule, j'ai des crises d'agoraphobie ; il y a six ans, aux carrières des Taillades, il m'a fallu quitter précipitamment, La Tempête de Shakespeare : j'étouffais parmi tant d'humains. Oui, je vais au concert, j'écoute Brendel jouer Beethoven à Montpellier ; mai la musique de chambre, c'est comme une religion. Et le public n'y est pas dépenaillé". La célèbre convivialité des Festivals n'est qu'une douce violence. "Tous ces festivaliers en tenue de festivals qui affichent une mine de fête... Comment peut-on avoir le coeur en fête à jours, semaines, et heures fixes ? Ils sont insincères comme la liturgie catholique". "Et ces centaines de spectacles dont deux ou trois auront du succès... Chrétiennement et politiquement, cela me serre le coeur : les comédiens vont se retrouver au chômage. Mais un pharisien en moi les plaint parce que la vie de bohème me fait peur ; par conséquent, je la blâme. Je ne suis qu'un bourgeois, je devrais m'appeler Profitendieu. Le métier de comédien me semble immoral comme au temps de Molière".
(Ce sociogramme, mini-portrait de spectateur du Festival d'Avignon, signé par l'historien Paul Veyne est extrait de l'ouvrage Avignon, le public réinventé par Emmanuel Ethis)
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