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08 janvier 2014

TOMBOY, LA REINE DES NEIGES, SUR LE CHEMIN DE L'ÉCOLE : l'Altérité faite oeuvre

Emmanuel Ethis, Vice-président du Haut Conseil pour l’Éducation Artistique et Culturelle et sociologue du cinéma, tient à apporter tout son soutien à l’association «Les enfants de cinéma» dans le prolongement du début de polémique autour de la programmation du film Tomboy dans le cadre des dispositifs nationaux École au cinéma ou Collège au cinéma. En effet, depuis l’automne près de 47000 élèves de CE2, CM1 et CM2 ont pu visionné ce film dont l’héroïne, une petite fille de 10 ans se fait passer pour un garçon et entre dans une relation de séduction avec une autre fillette. Or, depuis le 28 novembre, une pétition a été initiée par Citizengo, un groupe qui prend position sur des sujets de société depuis Madrid, et a rallié près de 16000 signatures afin d’interdire la diffusion de Tomboy auprès de ce public écolier. Il est normal que tout film qui touche à des questions d’ordre moral puisse susciter des réactions. C’est ce qui est attendu via ce type de projections. 

L’œuvre traite d’une manière sensible un sujet difficile qui permet de réfléchir et d’ouvrir sur de nombre questions relatives à la manière dont on se pose nombre de questions identitaires lorsqu’on est enfant. L’école et la famille joue à cet âge un rôle essentiel pour accompagner ces questions que l’enfant devra résoudre. Il n’est pas simple pour ce dernier de poser toutes les questions qui lui traversent l’esprit, y compris celles qui consistent à se demander si ses parents sont bien ses véritables parents comme celles qui consistent à savoir ses parents souhaitaient bien avoir une fille ou un garçon. Les détours par la fiction, le conte, la narration, l’image sont sans doute l’un des plus moyens les plus efficaces pour lancer des débats directs autour de questions aussi complexes. L’école, comme le cinéma, sont toujours dans leur rôle pour ouvrir ce type de débats, pour que les discussions puissent se prolonger tant dans la cour de récréation que dans la famille. Les parents ne doivent jamais renoncer à leur rôle dans la transmission de leurs valeurs et l’école, on le voit encore dans ce cas « d’école », est bien de leur faciliter ce rôle - rappelons qu’il est des familles où la parole n’est pas toujours de mise -, son devoir cardinal étant bien l’apprentissage des savoirs fondamentaux dans un cadre pédagogique d’initiation et d’ouverture sur le monde et sur ce que l’on peut dire de ce monde en marche et des sujets d’actualité qui le façonnent.

Le cinéma, parce qu’il est l’art qui est le plus près de la vie, nous permet de mieux l’envisager, la comprendre, de démocratiser tous les savoirs y compris ceux qui ne passent pas par des dispositifs de transmission traditionnels. Tomboy fait partie de ces œuvres qui nous concernent tout comme peuvent nous concerner la formidable Reine des Neiges, le dernier Disney ou Sur le Chemin de l’école de Bernard Plisson. L’un parle d’une petite fille qui se fait passer pour un garçon, le suivant parle d’une jeune princesse qui va se délivrer du monde car elle maîtrise mal ses pouvoirs, le dernier, enfin, nous montre combien l’école est une richesse que certains enfants dans le monde mettent plus de deux heures par jour à atteindre pour trouver là l’espoir et les moyens de transformer leur avenir. Il n’est pas d’œuvre véritable qui ne possède une face apparemment subversive et une face visiblement plus lisse sur laquelle chacun d’entre nous est libre de projeter une part de lui-même. Tomboy, La Reine des neiges, Sur le Chemin de l’école,sont trois films qui s’adressent à notre jeunesse. Contrairement à La Reine des Neiges ou à Sur le chemin de l’école, il n’est pas évident que l’on songe immédiatement à Tomboy lorsqu’on est père ou mère comme sortie cinéma familiale. C’est pourquoi l’on peut se féliciter que l’école et ceux qui instruisent les dispositifs de sortie de l’école au cinéma pensent à enrichir la palette et le regard de notre jeunesse en lui permettant de prendre pied dans la vie, ses questionnements et dans l’acceptation de l’altérité faite œuvre.

(À lire prochainement sur ce Blog l'article "Tous nos héros de cinéma sont gays, et hétéros, forts et faibles, beaux et laids, de droite et de gauche et tous viennent toujours d'ailleurs!")