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02 novembre 2013

LA SALLE DE CINÉMA DU FUTUR NE DEVRA PAS ÊTRE STANDARDISÉE [Extraits de l'Interview donnée au Film Français octobre 2013]

Quelle est la place du cinéma dans les pratiques culturelles des Français ?
Le cinéma reste la pratique majoritaire. Seulement 5 % des Français n'y sont jamais allés. C'est aussi la plus accessible. Elle participe à la démocratisation culturelle. De plus, elle est constitutive d'un lien intergénérationnel et social. Le cinéma est un art total, jubilatoire, qui se distingue aussi par son rythme de fréquentation. Nous allons plus facilement au cinéma qu'au cirque, au théâtre ou à l'opéra.

Le cinéma a-t-il encore un avenir en salle ?
Complètement. La pensée est le goût du cinéma se dédoublent sans cesse. La pratique entraîne la pratique. La place qu'a pris le numérique dans nos vies ne remet pas en cause cette pratique. Le spectateur devient plus expert, plus critique. Son accès aux images n'a jamais été aussi aisé, il peut même fabriquer ses propres images, ses propres films, ce qui lui permet d'être plus conscient que jamais de la dimension artistique et technique du cinéma. La question principale est désormais de savoir comment on crée et on apprivoise les spectateurs de demain.

Le jeune public d'aujourd'hui n'est-il pas tout simplement le public de demain ?
La pratique culturelle ne peut exister demain que si elle est valorisée aujourd'hui. Il faut donc donner le goût du cinéma. Les étudiants sont aussi des spectateurs à considérer : Ils sont à un moment de leur vie où ils s'affranchissent de l'univers familial, ils sont en recherche de sociabilité, et le cinéma les aide justement à se replacer dans le monde en tant qu'individus. Il ne faut pas oublier que nous allons au cinéma pour le plaisir mais aussi pour nous confronter aux autres en parlant, en échangeant, à propos des films que nous avons vus.

Comment envisagez-vous la salle de cinéma du futur ?
Si vous questionnez une personne sur ses souvenirs de cinéma, elle va très souvent lier le film à l'endroit où elle la découvert. Il est donc primordial que la salle continue d'entretenir ce lien. Celui-ci disparaissant, c'est l'attachement à la salle qui disparaît et la fidélité à un lieu, or il ne faut pas confondre fidélité et assiduité. La salle doit rester le lieu imaginaire qui habite le spectateur, et pour cela elle doit sortir de la norme et éviter d'être standardisée, y compris dans les multiplexes. En fait, il faudra qu'elle soit identifiable et définitoire de quelque chose qui n'est pas banal, un lieu d'urbanité et de civilité. Elle aura très certainement la nécessité d'être encore plus prestigieuse qu'elle ne l'est aujourd'hui. Jean Renoir parlait de franchir « la porte du château de la Belle au bois dormant» quand on entre dans une salle, eh bien cela est toujours d'actualité.


Propos recueillis par Anthony Bobeau.