On pourra prolonger la lecture de La Petite fabrique du spectateur en écoutant ou en lisant les échos que l'ouvrage a suscité dans les médias qui l'ont chroniqué. Il suffit pour cela de cliquer sur le titre de l'article ou de l'émission indiqué ci-dessous :
Le Monde : Les Mille et une manières d'être festivalier par Clarisse Fabre
France Inter : Le Masque et la Plume par Vincent Josse (émission du 17 juillet 2011)
TF1 : le JT de TF1 du 16 juillet 2011 par Marion Gautier, présenté par Claire Chazal
France Inter : Ça vous dérange ? L'esprit d'Avignon a-t-il disparu ? émission du 5 juillet 2011 par Thomas Chauvineau
France Culture : La Grande Table, émission du 15 juillet 2011
Les événements relatés ici se sont vraiment déroulés et les personnes décrites ont toutes existé même si quelquefois elles semblent avoir quelque(s) ressemblance(s) avec des personnages imaginaires qui, comme le cinéma, nous aident "à préserver notre foi dans nos désirs d’un monde éclairé, face aux compromis que nous passons avec la manière dont le monde existe..."
Articles, Ouvrages, Liens essentiels et Contact
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23 juillet 2011
11 juillet 2011
LA PETITE FABRIQUE DU SPECTATEUR : être et devenir festivalier à Cannes et à Avignon
Dans l’un des ouvrages qui portèrent le projet socio-sémiotique, La sémiosis sociale, publié à Vincennes en pleine effervescence des approches interdisciplinaires de la culture, Eliseo Veron observait que les chercheurs en communication analysent des processus, mais que ceux-ci ne se laissent saisir que par les marques qu’ils laissent. Un tel paradoxe habite à mon avis toute l’œuvre d’Emmanuel Ethis et ce petit livre, dense, mais chargé d’histoire en est précisément la marque spectaculaire. Avant tout, il condense aux yeux du lecteur actuel un itinéraire complexe, suivi personnellement et collectivement dans deux villes-spectacles qui, elles-mêmes, cristallisent à la fois des figures de la pratique culturelle, des formes de sa médiatisation et des débats intenses sur ses tenants et aboutissants. Ce volume réunit en effet des monographies (doublement frappées du fatidique chiffre 13). Ce sont en quelque sorte des instantanés, mais chacun d’entre eux est traversé par le temps long, celui des débats qui structurent le dialogue entre sociologie et sciences de la communication, comme celui des multiples investigations sur les lieux de pratiques, les carrières, les arènes.[…] Cet effet de texte particulier tient aussi au travail d’écriture, d’édition et de publication sur lequel repose l’intervention universitaire dans les espaces publics de la culture. Les fragments dont le lecteur dispose sont le résultat d’actes d’écriture et de réécriture. Ils proviennent du cahier d’observation, ont transité par l’article de recherche et le cours, ont éclairé l’interpellation publique des décideurs en même temps qu’ils nourrissaient par leur caractère significatif et en quelque sorte emblématique l’élaboration théorique d’une approche des spectateurs. Ils font finalement retour doublement, et vers les spectateurs lecteurs d’eux-mêmes, et vers les étudiants dont l’inventivité méthodologique et la pénétration du regard peuvent se nourrir d’exemples à discuter. Ces petits récits, économiques mais saisissants, portent donc également la trace, non d’une montée en généralité (pourquoi monterait-on lorsqu’on généralise ?) mais d’un va et vient constant entre le singulier et le transposable. Ou plutôt, dans la plus pure tradition de Roland Barthes, entre l’horizon inatteignable d’une science de la singularité, sensible à ce que celle-ci a de définitivement irréductible, et la possibilité bien réelle d’une lisibilité rendue crédible par le fait que le singulier, pour se singulariser, met en jeu et renforce des postures sociales.
C’est bien entendu ce qui donne toute son ambiguïté au titre, La petite fabrique du spectateur, car on ne pourra commencer à comprendre comment le spectateur se fabrique que si l’on accepte l’idée qu’on le fabrique aussi par les dispositifs qu’on emploie pour le connaître. Et d’abord, comme le romancier, pour le décrire et le raconter. À cette différence près, bien entendu, qu’ici il parle lui-même, certes cité et invoqué, mais dans la vérité de ses gestes et de ses paroles. C’est ce qui inspire le recours à la « fabrique », figure imagée de la po(ï)étique du savoir chère à l’auteur. Po(ï)étique, c’est-à-dire à la fois art de faire et désir d’écrire : les fragments mettent en mouvement, le temps d’un instant de lecture, si court soit-il, la circulation des discours que rend possible l’enchaînement des dispositifs d’observation, des formes de notation, des paroles consignées, des gestes dessinés. Et de ce fait, ils laissent percevoir que l’instantané tient dans ses marges ouvertes tous les espaces qui séparent et relient à la fois l’acteur, le médiateur, le spectateur, le chercheur, le lecteur. […] Ces récits entr’aperçus, fixés, transformés, réinterprétés sont aujourd’hui réunis, du moins certains d’entre eux, car encore une fois il a fallu choisir, éliminer, mettre en évidence.
[…] La nature du savoir et des questions que ce recueil formule tient à cela : une entreprise d’enquête qui nourrit une tradition universitaire nouvelle en matière d’approche des publics, un mode d’intervention, dans les orageux débats qui agitent le monde festivalier, qui tire sa force de pouvoir parler autrement du spectateur (celui que chacun revendique) et une chronique de presse qui se plie à la temporalité terriblement contraignante du quotidien, format de la rubrique comme périodicité de la production : un journal, un jour, une personne, une question. C’est ce que Marie-Ève Thérenty nomme la « poétique journalistique » et dont le caractère industriel donne des effets stylistiques et cognitifs paradoxaux, comme l’a montré Adeline Wrona pour Zola journaliste.C’est, pour finir, l’article de journal, puis son recueil en livre (une destinée dont l’histoire montre qu’elle est plus que fréquente) qui permet d’oser, au sein même de la recherche, une écriture qui vise la connaissance mais relève de la littérature. Art de faire, discipline du regard, audace du style. Donner à lire ensemble ces textes, que la presse a égrenés comme un florilège extrait d’une entreprise de longue haleine, c’est, bien sûr, en appeler à une nouvelle mise en mouvement de ce qu’ils citent, sans pouvoir ni vouloir le cerner.
Extrait de la préface du livre signée Yves Jeanneret (Sorbonne Paris – Celsa).
La petite fabrique du spectateur est éditée par les Éditions Universitaires d'Avignon (EUA)et est disponible depuis le 5 juillet 2011.Remerciements aux co-auteurs des textes de cet ouvrage : Jean-Louis Fabiani, Damien Malinas, Jean-Claude Passeron, Emmanuel Pedler et Paul Veyne et remerciements à celui qui a accompagné la fabrication de la petite fabrique, Guy Lobrichon. Merci enfin à Martine Boulangé...
C’est bien entendu ce qui donne toute son ambiguïté au titre, La petite fabrique du spectateur, car on ne pourra commencer à comprendre comment le spectateur se fabrique que si l’on accepte l’idée qu’on le fabrique aussi par les dispositifs qu’on emploie pour le connaître. Et d’abord, comme le romancier, pour le décrire et le raconter. À cette différence près, bien entendu, qu’ici il parle lui-même, certes cité et invoqué, mais dans la vérité de ses gestes et de ses paroles. C’est ce qui inspire le recours à la « fabrique », figure imagée de la po(ï)étique du savoir chère à l’auteur. Po(ï)étique, c’est-à-dire à la fois art de faire et désir d’écrire : les fragments mettent en mouvement, le temps d’un instant de lecture, si court soit-il, la circulation des discours que rend possible l’enchaînement des dispositifs d’observation, des formes de notation, des paroles consignées, des gestes dessinés. Et de ce fait, ils laissent percevoir que l’instantané tient dans ses marges ouvertes tous les espaces qui séparent et relient à la fois l’acteur, le médiateur, le spectateur, le chercheur, le lecteur. […] Ces récits entr’aperçus, fixés, transformés, réinterprétés sont aujourd’hui réunis, du moins certains d’entre eux, car encore une fois il a fallu choisir, éliminer, mettre en évidence.
[…] La nature du savoir et des questions que ce recueil formule tient à cela : une entreprise d’enquête qui nourrit une tradition universitaire nouvelle en matière d’approche des publics, un mode d’intervention, dans les orageux débats qui agitent le monde festivalier, qui tire sa force de pouvoir parler autrement du spectateur (celui que chacun revendique) et une chronique de presse qui se plie à la temporalité terriblement contraignante du quotidien, format de la rubrique comme périodicité de la production : un journal, un jour, une personne, une question. C’est ce que Marie-Ève Thérenty nomme la « poétique journalistique » et dont le caractère industriel donne des effets stylistiques et cognitifs paradoxaux, comme l’a montré Adeline Wrona pour Zola journaliste.C’est, pour finir, l’article de journal, puis son recueil en livre (une destinée dont l’histoire montre qu’elle est plus que fréquente) qui permet d’oser, au sein même de la recherche, une écriture qui vise la connaissance mais relève de la littérature. Art de faire, discipline du regard, audace du style. Donner à lire ensemble ces textes, que la presse a égrenés comme un florilège extrait d’une entreprise de longue haleine, c’est, bien sûr, en appeler à une nouvelle mise en mouvement de ce qu’ils citent, sans pouvoir ni vouloir le cerner.
Extrait de la préface du livre signée Yves Jeanneret (Sorbonne Paris – Celsa).
La petite fabrique du spectateur est éditée par les Éditions Universitaires d'Avignon (EUA)et est disponible depuis le 5 juillet 2011.Remerciements aux co-auteurs des textes de cet ouvrage : Jean-Louis Fabiani, Damien Malinas, Jean-Claude Passeron, Emmanuel Pedler et Paul Veyne et remerciements à celui qui a accompagné la fabrication de la petite fabrique, Guy Lobrichon. Merci enfin à Martine Boulangé...
01 juillet 2011
Festival d'Avignon : LA FABRIQUE DU VOLGELPIK
"être original, c'est essayer de faire comme tout le monde, mais sans y parvenir"...
«Oui, je sais, on peut comprendre ce que je suis rien qu’en regardant ma bibliothèque, mais c’est tout le monde comme ça, non ? De toute façon, j’ai rien à cacher » Les étagères d’Ingrid s’alignent sur deux longueurs de mur dans son deux-pièces de la rue Bourguet à Avignon. Tout y est scrupuleusement rangé par genre sur trois hauteurs : en bas, les ouvrages de théâtre – «tous achetés à la Mémoire du Monde en temps de festival » -, au milieu, les biographies de gens célèbres – «J’aime autant lire la bio de Gérard Philipe que celle de Lady Di ; tous ces people nous apprennent tant de choses sur nous-même et notre époque» -, en haut, les romans sentimentaux – «je possède deux cent cinquante Harlequin, et en tant qu’infirmière de formation, je garde un vrai penchant pour la collection Blanche… Oui, mes amies me demandent souvent ce que tout cela fait ensemble, elles ont du mal à imaginer comment Les illusions comiques d’Olivier Py suscitent autant d’intérêt que Rien ne résiste à l’amour de Rachel Jordan, collection Colombine,… mais je suis sûr qu’Olivier Py, lui, comprendrait… »
Ingrid, qui a quitté la Belgique pour venir travailler à Avignon voici quinze ans, a une manière très singulière de vivre le Festival : le soir, elle ne fréquente que les hauts-lieux du In et un peu le Off quand il accueille des acteurs de renom « comme le fait quelquefois le Chêne Noir avec Caubère ou Brigitte Fossey…» La journée, Ingrid se consacre à une toute autre activité… En effet, lorsqu’elle repère un comédien qu’elle aime paticulièrement programmé dans un spectacle, elle tente d’observer très scrupuleusement comment celui-ci prend ses quartiers d’été à Avignon. Elle le suit discrètement chaque fois que cela est possible pour cartographier heure par heure ses habitudes, « très vite, ils ont leurs routines, fréquentent les mêmes endroits tous les jours, vont acheter leurs journaux chez le même marchand, mènent une vie d’avignonnais,… c’est une ville qui force à cela… ». Ingrid conserve année après années précieusement ces jolis plans aux trajectoires colorées… « voici le plan Auteuil, le plan Huppert, le plan Py, et voici mon préféré, le Samy Frey… Il habitait aussi rue Bourguet, à trois maisons d’ici… C’est aussi ma plus belle réussite car, comme pour chacun d’entre eux, une fois que j’ai bien décrypté leurs trajets, je m’arrange pour croiser leur chemin par « hasard », plusieurs fois par jour, et ça marche, il suffit de trouver le truc, il y a toujours un moment où ils vous recconnaissent et vous abordent pour une raison ou pour une autre… Pour Samy, il ne restait plus qu’un seul exemplaire de son magazine préféré chez le marchand de journaux et j’étais là, juste avant lui pour l’acheter, et me faire une joie de lui offrir contre un café… J’adore cela… »
Ingrid a donné un nom à son passe-temps favori : la fabrique du Vogelpik. Elle considère que la vie est un peu comme ces jeux de fléchette auquel on aime faire croire qu’on gagne par pure coïncidence, alors même qu’on en possède une parfaite maîtrise… Sa version à elle du Jeu de l’amour et du hasard, une pièce qu’elle espère écrire un jour, illustrée par ces jolis plans d’Avignon, une pièce qui pourra trouver sa place sur n’importe quelle étagère de sa bibliothèque…
«Oui, je sais, on peut comprendre ce que je suis rien qu’en regardant ma bibliothèque, mais c’est tout le monde comme ça, non ? De toute façon, j’ai rien à cacher » Les étagères d’Ingrid s’alignent sur deux longueurs de mur dans son deux-pièces de la rue Bourguet à Avignon. Tout y est scrupuleusement rangé par genre sur trois hauteurs : en bas, les ouvrages de théâtre – «tous achetés à la Mémoire du Monde en temps de festival » -, au milieu, les biographies de gens célèbres – «J’aime autant lire la bio de Gérard Philipe que celle de Lady Di ; tous ces people nous apprennent tant de choses sur nous-même et notre époque» -, en haut, les romans sentimentaux – «je possède deux cent cinquante Harlequin, et en tant qu’infirmière de formation, je garde un vrai penchant pour la collection Blanche… Oui, mes amies me demandent souvent ce que tout cela fait ensemble, elles ont du mal à imaginer comment Les illusions comiques d’Olivier Py suscitent autant d’intérêt que Rien ne résiste à l’amour de Rachel Jordan, collection Colombine,… mais je suis sûr qu’Olivier Py, lui, comprendrait… »
Ingrid, qui a quitté la Belgique pour venir travailler à Avignon voici quinze ans, a une manière très singulière de vivre le Festival : le soir, elle ne fréquente que les hauts-lieux du In et un peu le Off quand il accueille des acteurs de renom « comme le fait quelquefois le Chêne Noir avec Caubère ou Brigitte Fossey…» La journée, Ingrid se consacre à une toute autre activité… En effet, lorsqu’elle repère un comédien qu’elle aime paticulièrement programmé dans un spectacle, elle tente d’observer très scrupuleusement comment celui-ci prend ses quartiers d’été à Avignon. Elle le suit discrètement chaque fois que cela est possible pour cartographier heure par heure ses habitudes, « très vite, ils ont leurs routines, fréquentent les mêmes endroits tous les jours, vont acheter leurs journaux chez le même marchand, mènent une vie d’avignonnais,… c’est une ville qui force à cela… ». Ingrid conserve année après années précieusement ces jolis plans aux trajectoires colorées… « voici le plan Auteuil, le plan Huppert, le plan Py, et voici mon préféré, le Samy Frey… Il habitait aussi rue Bourguet, à trois maisons d’ici… C’est aussi ma plus belle réussite car, comme pour chacun d’entre eux, une fois que j’ai bien décrypté leurs trajets, je m’arrange pour croiser leur chemin par « hasard », plusieurs fois par jour, et ça marche, il suffit de trouver le truc, il y a toujours un moment où ils vous recconnaissent et vous abordent pour une raison ou pour une autre… Pour Samy, il ne restait plus qu’un seul exemplaire de son magazine préféré chez le marchand de journaux et j’étais là, juste avant lui pour l’acheter, et me faire une joie de lui offrir contre un café… J’adore cela… »
Ingrid a donné un nom à son passe-temps favori : la fabrique du Vogelpik. Elle considère que la vie est un peu comme ces jeux de fléchette auquel on aime faire croire qu’on gagne par pure coïncidence, alors même qu’on en possède une parfaite maîtrise… Sa version à elle du Jeu de l’amour et du hasard, une pièce qu’elle espère écrire un jour, illustrée par ces jolis plans d’Avignon, une pièce qui pourra trouver sa place sur n’importe quelle étagère de sa bibliothèque…